par Charles Shorts
Problème, solution. L’urgence, la sortie de crise. Homme d’État, économiste, banquier: l’idée de lancer des bons de santé publique est toute l’histoire humaine et scolaire de Mario Monti. La proposition de création d’un instrument financier pour faire face à l’urgence du Coronavirus, lancée par les colonnes du Corriere della Sera, est excellente car le président honoraire de Bocconi y a prévu à la fois les problèmes, économiques, politiques et sociaux, ainsi que la mise en œuvre nécessaire pour lancer une initiative qui aidera à faire face à un problème difficile et complexe comme la crise sanitaire que nous connaissons actuellement.
Sobre comme toujours, Monti écrit qu’il n’a fait qu’esquisser l’idée. En fait, la proposition, dans ses caractéristiques essentielles, est déjà bien définie. L’ancien commissaire européen écrit : “On pourrait envisager d’émettre un prêt à la République italienne intitulé “Investissements dans la santé de l’Italie” ou “Obligations de santé publique” ou “Obligations de santé de l’Italie” pour le marché international. Elle devrait porter sur un montant très important, à long terme ou irrémédiable, mais négociable sur le marché secondaire ; à un taux d’intérêt fixe et très bas (aujourd’hui, même un taux zéro pourrait être intéressant, si l’afflux de liquidités qui sera créé pour contrer les effets récessionnistes de la pandémie fait baisser encore les taux d’intérêt en territoire négatif), aux conditions fiscales les plus favorables, y compris l’exonération de toute imposition future. Les investisseurs moins myopes verraient dans cette clause, peut-être de manière réaliste, une indication que si des questions comme celle-ci devaient rencontrer la faveur du marché, la probabilité de devoir recourir à un impôt sur les actifs à l’avenir serait réduite, alors qu’en soi une grave crise économique et financière résultant de la pandémie ne pourrait que les augmenter. De cette façon – conclut le professeur – les Italiens d’aujourd’hui qui en ont les moyens aideraient l’Italie à se doter d’installations sanitaires de haut niveau dans tout le pays, en ne faisant porter aux Italiens de demain qu’une partie de ce fardeau”.
Mario Monti était parti d’une analyse très lucide de la situation, faite par points. Lisons-le: “1) Les Italiens vivent un moment de grande inquiétude, dont semblent cependant découler trois vertus civiques, qui n’abondent pas toujours: a) la lucidité: l’État peut servir, etc. ; l’argent de nos impôts sert à quelque chose ; b) le sentiment d’appartenance: nous, Italiens, sommes après tout capables de nous battre pour des objectifs communs, quand nous voyons qu’ils sont vraiment communs. c) la solidarité publique: de nombreux Italiens consacrent du temps, des efforts et de l’argent à une myriade d’initiatives exemplaires de solidarité volontaire, dans le pays ou à l’étranger; mais ils se méfient de la solidarité (entre zones géographiques, entre riches et pauvres, entre générations) qui s’exerce par le biais des politiques publiques. Eh bien, en voyant le système national de santé et son vaillant personnel au travail ces jours-ci, nous réévaluons probablement la grande solidarité qui passe par l’État, alimentée par le système fiscal et réalisée par les politiques sociales”.
Dans l’article paru dans le Corriere della Sera, au deuxième point de son raisonnement, Monti élargit son regard sur l’Europe et écrit : 2) Les autres Européens, en regardant l’Italie d’aujourd’hui et en y voyant le lendemain de leurs pays, semblent prêts à ne pas rejeter les principes d’une politique budgétaire saine (comme le feraient sans souci de nombreux Italiens s’il n’y avait pas de règles européennes et de pressions du marché, et comme l’ont fait de nombreux gouvernements italiens pendant des décennies, avant ces règles et ces pressions), mais à comprendre que la santé publique a une priorité plus élevée. Même Merkel, avec un bon sens qu’il faut saisir à la volée – avant les faucons “hanséatiques”, que les ornithologues les plus modernes définissent comme des “prédateurs de l’Europe du Nord, affamés de déficits du Sud” – a montré à l’Italie la voie pour “investir dans son propre système de santé”, car elle ne sera pas entravée par “une règle sur la dette””.
En bref, dans la proposition de Monti, il y a le problème, l’analyse et la solution. C’est donc l’approche typique de cet économiste de renommée mondiale qui a tant fait pour l’Italie et l’Europe. Des mérites que beaucoup de gens dans ce pays ont tendance à oublier. La conclusion de l’article dans lequel Monti envoie également une invitation pas trop voilée à se dépêcher est également éclairante. “Je me suis limité à esquisser une idée – écrit le sénateur à vie – comment la communauté, par l’intermédiaire de l’État, peut bénéficier pour elle-même, sous la forme d’un financement ample et commode de la santé publique actuelle et future, des humeurs particulières qui semblent s’établir de nos jours en Italie et en Europe. Et qui ne durera peut-être pas très longtemps”. Transformer la crise en opportunités. Et faites-le maintenant. L’opinion de l’une des personnes les plus qualifiées de ce pays sera-t-elle entendue ? Je ne sais pas. Nous verrons bien. Le coronavirus est présent en Italie depuis quelques mois. Le masochisme, en revanche, est un dysfonctionnement que nous n’avons pas encore éradiqué dans ces régions.
(Associated Medias)